Brève histoire
Giordano Bruno, de son vrai prénom Filippo, naît en 1548 à Nola, en Italie, près de Naples, au pied du Vésuve. Son père est un sous-officier de l’armée du vice-roi d’Espagne (le royaume de Naples est alors intégré à la couronne d’Espagne), sa mère possède quelques terres.
Après des études secondaires à Naples, il entre à 17 ans, le 15 juin 1565, dans le plus grand couvent de la ville, de l’ordre des Dominicains, chez les Frères Prêcheurs de San Domenico Maggiore. C’est en effet, d’une part un prestigieux couvent dominicain pour la qualité des titres qu’il attribue, réputés dans toute l’Italie et d’autre part un précieux refuge en ces temps de disette et d’épidémie. C’est donc pour des motifs purement humains et naturels qu’il entre en religion.
Il y entreprend des études générales, puis de théologie. Dans l’enseignement, donné en latin (comme dans toutes les universités d’Europe au XVIème siècle), deux autorités dominent : le philosophe grec Aristote et Saint Thomas d’Aquin, l’illustre théologien dominicain qui, en 1274, avait fini ses jours dans ce même couvent. Bruno aura une véritable haine vis-à-vis d’Aristote et de Platon, cherchant toute sa vie à dénigrer leurs œuvres.
Ordonné prêtre en 1573, Bruno, qui a pris le nom de frère Giordano, soutient avec succès, en 1575, une thèse sur saint Thomas d’Aquin. Il est docteur en théologie à 27 ans.
La rupture avec l’Église (1576-1578)
Remarqué de ses supérieurs pour sa vaste culture et sa mémoire exceptionnelle, Bruno se signale cependant aussi par son indocilité et son orgueil.
Dès sa première année de noviciat, il avait ôté des images saintes de sa chambre, notamment celles représentant Marie, s’attirant l’accusation de profanation du culte de Marie.
Au fil des années, les heurts deviennent plus durs, tout particulièrement au sujet de la Trinité, dogme qu’il repousse. On l’accuse d’avoir lu et étudié des livres interdits et à la suite d’une querelle avec un autre Dominicain, devant qui il n’a pas hésité à défendre “son droit” à lire des auteurs condamnés pour hérésie, il quitte le couvent pour Rome (février 1576).
On retrouve peu après, cachés dans sa cellule, des ouvrages interdits d’hérétiques manifestes. Bruno s’enfuit de Rome. Officiellement excommunié, c’est-à-dire rejeté hors de l’Eglise, il gagne le Nord de la péninsule italienne. Il vit de leçons particulières à Gênes, Venise, Padoue, Chambéry… Après avoir cherché un accommodement, il rompt totalement avec son ordre et sera sur les routes cherchant une opportunité pour diffuser ses erreurs sous le couvert des sciences et du savoir.
Calviniste – puis séducteur du roi de France
Au printemps 1579, Bruno gagne Genève, haut-lieu du protestantisme. Il se convertit au calvinisme et s’inscrit à l’université, tout en gagnant sa vie comme correcteur d’imprimerie. Peut-être a-t-il vu dans la ville de Calvin un havre de tolérance religieuse, mais la désillusion est rapide et brutale car il est bientôt rejeté par les calvinistes, et doit à nouveau s’enfuir de crainte d’un procès (septembre 1579).
Bruno s’établit alors à Toulouse, où il obtient par concours une chaire d’enseignant de philosophie (1579-1581). Puis il se rend à Paris et séduit le roi Henri III qui est politiquement intéressé à laisser s’exprimer un philosophe rejeté à la fois par les catholiques et les calvinistes. Il crée pour Bruno un poste de “lecteur extraordinaire” (c’est-à-dire exceptionnellement dispensé d’assister à la messe) au Collège des lecteurs royaux, le futur Collège de France. Bruno publie alors plusieurs œuvres, dont sa comédie Le Chandelier.
Bruno sera donc mis trois fois au ban des socitétés : par les catholiques (1576), les calvinistes (1579) et les luthériens (1589).
Hérétique formel
Accusé formellement d’athéisme et d’hérésie en raison particulièrement de sa théorie de la réincarnation des âmes, de ses écrits blasphématoires (où il proclame en outre que Jésus-Christ n’est pas Dieu mais un simple « mage habile », que le Saint-Esprit est l’âme de ce monde, que Satan sera finalement sauvé…) et de son intérêt pour la magie, l’Inquisition le condamna à être brûlé vif le 17 février 1600 à Rome, au terme de sept ans de procès ponctuées par de nombreuses propositions de rétractation qu’il paraissait d’abord accepter puis qu’il rejetait.
Des écrits hérétiques :
- Il rejette l’idée de la survie d’une âme individuelle, qui aurait à répondre dans l’au-delà des actes de sa vie terrestre.
- Pas de Paradis, certes, mais aussi pas d’Enfer avec ses terrifiantes tortures éternelles.
- La mort n’est qu’une “dissolution” de cette composition éphémère d’esprit et de matière qu’est l’homme individuel, une phase transitoire avant qu’esprit et matière se recomposent autrement.
- Autre dogme rejeté, celui du péché originel. “L’homme est un dieu sur terre ”, s’écrit-il avec enthousiasme dans l’Expulsion.
- Cette humanité-là n’a plus besoin de sauveur : dans la religion de Bruno, le Christ devient inutile.
- L’unité de Dieu, au fondement de sa métaphysique de l’infini, ne peut pas, pour Bruno, se concilier avec les trois personnes affirmée par le dogme de la Trinité.
- Occultisme : De l’astre à la pierre tout est plein d’âme, “la magie naturelle”, comme Bruno la nomme, alors que l’Eglise renforce la condamnation de la magie et des pratiques divinatoires (expressément interdites par une bulle du Pape Sixte-Quint en 1586). Il met au point de nouvelles techniques magiques au moyen de figures et de nombres en particulier.
La patience des juges
Arrêté dans la nuit du 23 au 24 mai 1592 et emprisonné, Bruno est d’abord interrogé par des inquisiteurs vénitiens. Mais Rome exige de juger elle-même l’ancien dominicain et, par 142 voix contre 30, le Sénat de Venise accepte de l’amener au pape Clément VIII, dès octobre 1592.
L’adjonction en janvier 1599 au groupe des huit “cardinaux inquisiteurs” en charge de l’affaire du cardinal Robert Bellarmin (1542 – 1622), jésuite et théologien de tout premier plan, souligne l’importance accordée par la haute hiérarchie catholique à son prisonnier.
Le premier acte d’accusation se concentre sur ses positions théologiques hérétiques : sa pensée antidogmatique, le rejet de la transsubstantiation et de la Trinité, son blasphème contre le Christ, sa négation de la virginité de Marie.
A cela s’ajoute sa pratique de l’art divinatoire, sa croyance en la métempsycose, sa vision cosmologique.
Bruno subit sept années de procès, ponctuées par une vingtaine d’interrogatoires et de demandes de rétractation menés par le cardinal Robert Bellarmin. Le prisonnier est bien traité : on lui donne une chambre confortable, du matériel pour écrire, un changement régulier de linge. Ayant reçu une pension de 4 couronnes par mois, il peut se faire apporter la nourriture qu’il souhaite.
Cependant après sept ans, ne voyant aucune volonté de revenir fermement à la Foi catholique et un entêtement dans l’hérésie, le procès se conclut par une condamnation à mort pour hérésie.
« Je ne recule point devant le trépas et mon cœur ne se soumettra à nul mortel. »
Le pape somme une dernière fois Bruno de se soumettre, mais Bruno répond :
« Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n’y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j’aurais à rétracter. »
Sur le bûcher, Giordano Bruno fut une nouvelle fois “exhorté à renoncer à son obstination“, en vain. Attaché nu et déjà la proie des flammes, il se détourna du crucifix qu’on lui tendait.
En 1889 dans une Rome anti-cléricale
En 1889, une statue à l’effigie de Giordano Bruno, due au sculpteur Ettore Ferrari, est érigée au Campo de’ Fiori à Rome, lieu de son supplice. L’initiative en revient à la municipalité de Rome, très anticléricale. Chaque 17 février, une foule anticléricale et agnostique se réunit devant la statue de Giordano pour commémorer son supplice. Il sert de porte drapeau à tout ce qui sous les cieux est anti-christique.
En 1917, le 17 février
Le Père Maximilien fut témoin occulaire des manifestations blasphématoires en faveur de l’hérésiarque et voici ce qu’il nous livre dans son journal de bord :
« Quand à Rome les francs-maçons ont commencé à sortir au grand jour, arborant leurs bannières sous les fenêtres du Vatican, représentant, sur les bannières noires des disciples de Giordano Bruno, Saint Michel Archange écrasé sous le pied de Lucifer, et ouvertement s’en prenant au Saint-Père dans des pamphlets de propagande, l’idée est venue de créer une association engagée dans la lutte contre la franc-maçonnerie et les autres serviteurs de Lucifer. Pour m’assurer qu’une telle idée venait de l’Immaculée, j’ai demandé conseil à mon directeur spirituel de l’époque, le P. Alessandro Basile, jésuite, confesseur ordinaire des étudiants du Collège. Ayant obtenu l’assurance de la sainte obéissance, je décidai de me mettre au travail. » Mugenzai no Sono, avant le 16 octobre 1934.