CELUI QUI MANGE MA CHAIR ET BOIT MON SANG, DEMEURE EN MOI, ET MOI EN LUI.
Ces paroles marquent l’union admirable que nous avons avec Notre-Seigneur dans le Saint-Sacrement. Il est de la foi que nous y sommes réellement unis avec son corps. Mais quelle est cette union? en quoi consiste-t-elle? On en apporte de quatre sortes.
Première sorte d’union
La première n’est qu’une présence locale de la sainte humanité de Jésus-Christ en la personne qui communie. Cette union est la moindre, et se trouve même en ceux qui communient indignement, et en état de péché mortel.
Deuxième sorte d’union
La seconde, qui présuppose la première, est morale, et se fait par l’amour réciproque qui lie Jésus-Christ avec nous, et qui nous lie avec lui dans la communion. Telle est la liaison de deux amis, dont les cœurs sont unis ensemble par l’affection mutuelle qu’ils se portent. Celle-ci est plus parfaite que l’autre, et ne convient qu’aux âmes qui sont en état; mais elle ne suffit pas pour expliquer la force des paroles de Notre-Seigneur, et la manière dont il se communique à nous comme aliment pour nourrir nos âmes.
Troisième sorte d’union
La troisième, bien plus excellente, consiste en des effets extraordinaires que le Saint-Sacrement produit dans l’âme et dans le corps; de sorte qu’il semble qu’on touche la chair sacrée, qu’on goûte le sang précieux de Jésus-Christ avec des douceurs et des transports de joie qui ravissent l’âme, comme il arrivait à saint Philippe de Néri. Cette union n’explique pas encore assez les paroles de Notre-Seigneur, lesquelles s’étendent à tous ceux qui communient; au lieu que cette union n’est le propre que d’un petit nombre d’âmes parfaites, outre que cette manière d’expliquer les paroles du Sauveur marque plutôt les effets de l’union que l’union même.
Quatrième sorte d’union
La quatrième est une union, non pas à la vérité substantielle ou essentielle, mais accidentelle, la plus parfaite qui puisse être en ce genre. Par elle nous sommes unis immédiatement au corps et au sang de Jésus-Christ, et par le moyen de son corps et de son sang, à son âme et à sa divinité.
Son corps, se mêle avec notre corps, son sang avec notre sang, son âme se joint avec notre âme, d’où résulte en nous un changement accidentel, qui nous rend semblables à Notre-Seigneur, notre corps participant aux divines qualités du sien, et notre âme aux grâces de la sienne, selon qu’il lui plaît de se communiquer à nous, et selon la disposition que nous apportons à le recevoir.
Ainsi son imagination arrête et règle la nôtre; son entendement éclaire le nôtre, sa volonté échauffe et fortifie la nôtre, son appétit modère le nôtre et y éteint le feu de la concupiscence; ses sens purifient les nôtres; il arrache nos mauvaises habitudes, il étouffe les semences du péché, il tempère les humeurs et il dispose tout de telle sorte, que la pratique de la vertu nous devient aisée.
C’est ce qui fut représenté à un homme vertueux, qui, comme rapporte Platus, voyait une fois dans une de ses communions le corps de Notre-Seigneur qui s’unissait au sien; ses yeux, ses bras, et chacun de ses membres sacrés se mêlant avec les siens, comme une cire fondue se mêle avec une autre cire.
Que si nous ne ressentons pas les effets de cette admirable union, cela ne vient que de notre indisposition.
« Si après la communion, dit saint Bonaventure, vous ne ressentez pas quelques effets de la viande spirituelle que vous avez mangée, c’est signe que votre âme est malade, ou qu’elle est morte. Vous avez mis du feu dans votre sein, et vous n’en sentez pas la chaleur; du miel dans votre bouche, et vous n’en sentez pas la douceur. »
Nous sommes pleins de passions et de vices, qui, comme autant d’humeurs malignes, nous ôtent le goût de la sainte communion, et nous empêchent d’y trouver les délices que nous y trouverions si nous approchions de la sainte table avec la disposition qu’elle demande, ayant l’âme bien purgée de tous ses dérèglements.
Cette disposition consiste principalement en la pureté de cœur, en la paix et tranquillité de l’âme, à connaître et à réprimer les rébellions de notre esprit contre la grâce, à découvrir nos illusions, nos erreurs, notre aveuglement, le fond de notre malice, et à corriger tous ces désordres.
Ensuite de quoi nous sentirons une faim et une soif de cette divine nourriture, nous goûterons sa douceur, et elle produira en nous de jour en jour de nouveaux accroissements de vie spirituelle.
Père Lallement, La Doctrine Spirituelle