C’était au temps de la Réforme. Zurich faisait des efforts désespérés pour introduire les nouvelles doctrines dans le cœur de la Suisse, et Lucerne était au premier rang de ses convoitises. En mai 1530 des protestants iconoclastes venus de Lucerne, saccagèrent une chapelle édifiée sur les hauteurs de la ville en un lieu appelé « Wesemlin » (petite prairie). La statue de la Vierge qui y était particulièrement honorée, fut détruite et broyée.
Un conseiller d’Etat, Maurice de Mettenwyl, voyait le grand péril et cherchait les moyens de le conjurer. Or, le 18 mai 1531, au soir de la Pentecôte, vers 9h, tout préoccupé de ce grand souci, le digne magistrat avait fait l’ascension de la colline du Wesemlin, qui, au nord-est, domine la ville et le lac. Il était arrivé près d’un petit oratoire en ruines et comme il y faisait une prière, voici que le rocher voisin s’illumine et dans une gloire éblouissante, Marie, l’Auguste Mère de Dieu, apparaît portant le Divin Enfant Jésus dans ses bras. Mettenwyl se jette à genoux, et durant plus d’un quart d’heure, il jouit de la prodigieuse vision.
Marie, dit la chronique, avait derrière elle le soleil et sous ses pieds la lune. Deux anges soutenaient sur sa tête une couronne d’or.
Le lendemain, la nouvelle de l’apparition ne tarda pas à se répandre dans la ville et l’après-midi de ce jour vit une foule nombreuse accourir sur le Wesemlin. On s’attendait à une nouvelle apparition et on priait sans se lasser et avec une ferme confiance. La Très Sainte Vierge, en effet, voulait avoir plusieurs témoins de sa prédilection pour Lucerne et donner à cette ville une preuve bien authentique de sa protection maternelle. Vers 9 h. du soir, aux yeux ravis de nombreux fidèles, la Reine du Ciel daignait apparaître de nouveau, comme elle l’avait fait la veille, tenant dans ses bras le Divin Enfant.
La foule, ce soir-là, était considérable : on devine son admiration, ses prières, ses larmes. La vision dura près de dix minutes et lorsque la Reine du Ciel disparut dans un nuage d’or, une immense acclamation mêlée de larmes de joie retentit sur le Wesemlin et fut longtemps répétée par les échos d’alentour :
« Vivent Marie et la foi catholique ! Que Marie et la foi catholique vivent à jamais dans nos cœurs et dans le cœur de nos enfants. Ainsi disaient mille voix ne formant qu’une voix, mille cœurs ne formant qu’un cœur, pour acclamer Marie la gardienne divine de la foi et de la vérité catholique. »
Dès ce jour, en effet, les magistrats lucernois, un moment ébranlés, montrèrent une fermeté énergique, et les protestants de Zurich se virent impitoyablement repoussés. Un peu plus tard, les délibérations de Brunnen affermissaient encore les convictions et la confiance des Lucernois et des quatre cantons catholiques en la protection de la Sainte Vierge. Cinq mois ne s’étaient pas écoulés depuis les apparitions de la Sainte Vierge au Wesemlin que la victoire de Cappel venait couronner la vaillance des catholiques et, avec cette victoire et celle du Gubel, la paix, la liberté et la conservation de la foi étaient de nouveau affermies sur les bords du lac des Waldsttten.
Le couronnement de la Vierge Marie par les anges, sur une terre qui venait d’être saccagée par les blasphèmes des protestants iconoclastes, nous montre d’une part la révérence que les anges ont envers leur Reine et d’autre part, que c’est avec droit et raison que les catholiques vénèrent la Vierge pure.